Vers un nouveau statut de bailleur privé en 2026 : opportunité ou mirage ?

En date du 30 juin 2025, un rapport parlementaire piloté par le sénateur Marc-Philippe Daubresse et le député Mickaël Cosson a été remis à Valérie Létard, ministre du Logement, dans un contexte où l’investissement locatif privé traverse une crise profonde. Ce rapport, intitulé Pour une relance durable de l’investissement locatif, propose d’introduire dès le projet de loi de finances pour 2026 un statut de bailleur privé. Ce nouveau cadre vise à clarifier, stabiliser, et inciter la mise en location longue durée, notamment pour les propriétaires non professionnels. Les propositions comportent des avancées notables mais présentent aussi des zones d’ombre qu’il est essentiel de comprendre pour se préparer.

Pourquoi ce nouveau statut maintenant ?

Le constat à l’origine du rapport est simple mais grave : le parc locatif privé représente environ 7,8 millions de logements et loge 58 % des locataires. Parmi les bailleurs, 70 % n’ont qu’un seul logement. En 2025, seuls 15 000 logements neufs destinés à la location ont été vendus à des particuliers, soit une chute d’environ 80 % par rapport à la période d’avant la crise sanitaire.

Parallèlement, les dispositifs fiscaux historiques, comme le Pinel pour le neuf, ont été supprimés, et les contraintes réglementaires (performance énergétique, diagnostic, obligations d’isolation) pèsent de plus en plus sur le coût global des investissements. Ces réalités pèsent sur la rentabilité, incitent certains bailleurs à vendre plutôt qu’à louer, et réduisent l’offre dans les zones tendues.

Ce que propose le rapport : un cadre fiscal transformé

Le nouveau statut envisagé comprend plusieurs mesures fiscales destinées à rendre la location longue durée plus attractive, tant dans le neuf que dans l’ancien, tout en introduisant des incitatifs liés aux loyers raisonnables. Parmi celles-ci :

👉 Le dispositif d’amortissement fiscal serait étendu aux logements loués nus, avec un taux de 5 % par an dans le neuf, et 4 % par an dans l’ancien, à condition que des travaux représentant au moins 15 % de la valeur d’acquisition soient réalisés. Cette mesure permettrait de reproduire pour la location nue une mécanique proche de celle dont bénéficient déjà les bailleurs en meublé.

👉 Le régime du micro-foncier serait profondément revu : l’abattement forfaitaire passerait de 30 % à 50 %, et le plafond des revenus fonciers annuels pour en bénéficier serait doublé, passant de 15 000 à 30 000 euros.

👉 Le plafond d’imputation du déficit foncier sur le revenu global, qui permet de déduire travaux, intérêts d’emprunt et autres charges sur le revenu imposable, serait porté de 10 700 € à 40 000 € par an, une mesure nécessaire selon le rapport pour compenser les charges qui augmentent plus vite que les loyers.

👉 Une exonération de l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) est proposée pour les biens loués de longue durée, ce qui pourrait alléger significativement la fiscalité des propriétaires disposant de plusieurs biens.

👉 Concernant les plus-values immobilières, le rapport propose d’exonérer totalement ces plus-values après 20 ans de détention, ce qui réduirait l’incitation à revendre trop tôt et encouragerait une vision patrimoniale long terme. Actuellement, la durée de détention requise pour l’exonération est plus longue pour les prélèvements sociaux et la plus-value imposable.

👉 Enfin, le rapport prévoit un « bonus » pour les loyers abordables : les bailleurs acceptant de proposer des loyers modulés (loyers intermédiaires, voire sociaux dans certaines zones) bénéficieraient d’un supplément d’abattement ou d’amortissement, de l’ordre de 0,5 à 1,5 % selon les propositions.

Ces propositions ne prennent tout leur sens que si on les compare aux régimes déjà existants. Aujourd’hui, les bailleurs jonglent entre la location nue au micro-foncier ou au réel, le LMNP ou encore le LMP, chacun avec ses avantages et ses limites. Le futur statut de bailleur privé viendrait non pas ajouter une couche de complexité, mais plutôt redessiner le paysage en rapprochant la location nue des atouts du meublé.

Pour mieux visualiser ce changement, voici un comparatif simple entre les régimes actuels et ce que pourrait apporter le statut de bailleur privé.

Régime

Aujourd’hui

Avec le futur statut de bailleur privé

Location nue – Micro-foncier

Abattement 30 %, plafond 15 000 €/an

Abattement 50 %, plafond 30 000 €/an

Location nue – Réel

Déduction des charges, déficit limité à 10 700 €/an, pas d’amortissement

Déficit imputable jusqu’à 40 000 €/an, amortissement 4 % (ancien) / 5 % (neuf)

LMNP

BIC avec amortissement, forte optimisation fiscale mais régime instable

Location nue devient fiscalement compétitive grâce à l’amortissement

LMP

Déficits imputables sans limite, exonération des plus-values pro, seuil > 23 000 €/an

Statut plus accessible mais sans exonérations aussi puissantes

Nouveau statut

Simplification annoncée, avantages fiscaux élargis, conditions à préciser (travaux, loyers abordables, DPE)

Les défis et risques non négligeables

L’enthousiasme autour de ce statut cache des réalités qui pourraient limiter son efficacité, ou compliquer sa mise en œuvre.

D’abord, l’entrée en vigueur est envisagée pour décembre 2025, mais la réforme doit encore traverser de nombreux arbitrages, notamment dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026. Des ajustements ou suppressions de certaines mesures sont possibles sous la pression des contraintes budgétaires de l’État.

Ensuite, les conditions requises pour bénéficier des avantages  (travaux, niveaux de loyer, critères énergétiques, durée de location) pourraient exclure une portion non négligeable de bailleurs. Ceux qui ont des biens anciens non rénovés, ou situés en zones hors réglementation énergétique renforcée, risquent de ne pas pouvoir profiter immédiatement du statut ou de devoir engager des investissements supplémentaires.

Un autre point de vigilance concerne la lisibilité et la stabilité dans la durée : si le statut se voit modifié après adoption, les bailleurs qui auront fait des choix fiscaux et patrimoniaux sur la base des propositions actuelles pourraient subir un risque de revirement.

Enfin, bien que les projections fiscales soient optimistes, le rapport évoque un gain pour les finances publiques de +0,5 milliard d’euros dès 2026, puis un excédent moyen annuel de 1,9 milliard sur la période 2026-2032, ces chiffres reposent sur l’hypothèse que l’ensemble des mesures sera voté tel que proposé, et que les effets d’offre (nouveaux logements) répondent aux attentes. Si la participation des bailleurs n’est pas suffisante, ou si les coûts cachés (travaux, mise aux normes, gestion) s’avèrent plus élevés que prévu, le rendement du dispositif pourrait être moindre.

Que peut faire un bailleur aujourd’hui pour se préparer ?

Même s’il reste possible que certaines mesures soient modifiées, plusieurs actions peuvent être entreprises dès maintenant pour tirer profit du statut bailleur privé dès qu’il sera effectif.

Commencer par vérifier l’état énergétique de ses biens : un logement classé F ou G pourrait nécessiter des travaux pour répondre aux critères (souvent évoqués) de rénovation énergétique. Planifier ces travaux tôt permet de lisser les coûts et d’éviter une course précipitée à l’échéance.

Par ailleurs, structurer sa comptabilité, isoler un compte dédié pour la location, anticiper les charges (travaux, intérêts d’emprunt), bien documenter les loyers et les contrats de bail, permettra d’être prêt à justifier les déductions, amortissements ou bonus envisagés.

Il est aussi judicieux d’étudier dès maintenant les loyers que l’on pratique : proposer des loyers « raisonnables » (marché intermédiaire) pourrait donner droit à des bonus. Si vous avez l’habitude de fixer vos loyers au plus haut du marché sans visibilité, cela pourrait limiter votre éligibilité aux avantages du statut.

Enfin, consulter ou s’entourer de professionnels (avocats fiscalistes, gestionnaires immobiliers, ou outils comme Rentilot) permet de faire les bons choix dès aujourd’hui : dans le neuf ou l’ancien, convenir du régime fiscal (micro-foncier ou régime réel), évaluer la pertinence des investissements supplémentaires, et surveiller l’évolution législative.


Le futur statut de bailleur privé proposé fin juin 2025 représente une avancée potentiellement majeure pour les propriétaires loueurs. Il combine incitations fiscales, reconnaissance de la location nue, avantage pour les loyers abordables, et volonté de stabiliser un marché locatif en tension.

Cependant, pour qu’il soit réellement bénéfique, il faudra que les mesures votées restent proches des propositions actuelles, que les conditions ne soient pas trop strictes, et que les coûts techniques et énergétiques soient maîtrisés.

Les bailleurs qui ne tarderont pas à se structurer et à se préparer dès maintenant seront ceux qui tireront profit de ce nouveau statut, quand les autres risquent de voir les promesses rester au stade d’aspirations.

Depuis 2019, il construit et rénove son propre parc locatif, tout en concevant des solutions digitales pour simplifier la gestion. De cette double expérience est né Rentilot, une plateforme pensée par un bailleur pour des bailleurs, avec l’ambition de rendre la gestion locative et patrimoniale à la fois simple et efficace.